Bui Hang
mardi, 12. février 2013
(VOVworld) - Au moment du nouvel an lunaire, si les fleurs de pêcher ou de prunier sont communes à tout le monde, le narcisse, lui, est un petit luxe que seuls les fins connaisseurs peuvent s’offrir. Evidemment, vous pouvez vous acheter un pot de narcisses au marché, mais là, ça n’a aucune autre valeur que celle de la décoration, vous diront ces connaisseurs hanoiens pour qui, tout le plaisir consiste à créer son propre bouquet de narcisses…un loisir aux confins du rite.
En vietnamien, “thuy tien” veut dire “nymphe”. Cette différence culturelle avec l’Europe donne lieu à une autre différence, culturale. En Europe, le narcisse appartient au domaine du jardinage, au Vietnam, à l’art du bonsaï ! Quand le soleil printannier commence à chasser l’hiver, les amoureux du narcisse ressortent leurs bulbes séchés pour les rafraîchir dans l’eau. Les bulbes ainsi “réveillés” sont minutieusement taillés selon le goût esthétique de chacun. Depuis la germination jusqu’à la formation des premiers boutons, ils seront retaillés encore plusieurs fois. Et à chaque fois, il faut les laver à l’eau et avec un plumeau, en veillant à ne pas léser les racines, ni les bourgeons. Le narcisse est une fleur exigeante en termes de propreté. Il doit être placé dans un endroit aéré. L’eau dans laquelle il est planté doit être changée quotidiennement, et ses racines, lavées. Mais si les racines ne sortent pas du bulbe, il faut alors envelopper celui-ci dans un tissu de coton propre pour l’enfouir dans du sable humide. Et attention, ce sable doit lui-aussi avoir été lavé, pour ne pas provoquer le pourrissement des racines.
La taille d’un bulbe de narcisse se décline en plusieurs étapes, nous dit Nguyen Viet Dung, maître-horticulteur au village de Nghi Tam, à Hanoï. Il faut utiliser des couteaux spécifiques et faire en sorte qu’à la floraison, les fleurs soient plus élevées que les feuilles, comme le veut la tradition hanoienne. En taillant, on ne doit en aucun cas toucher les feuilles, ni les fleurs, encore moins les entâcher d’eau sale, ce qui provoquerait leur pourrissement. Il faut tailler le bulbe chaque jour, au lieu de le laisser se développer naturellement.
Le narcisse est l’une des fleurs les plus précoces du printemps. Symbole de chance, de prospérité et de longévité, il est minutieusement soigné pour pouvoir éclore au moment du réveillon. S’il fait trop froid et qu’il tarde à fleurir, on le met dans de l’eau tiède, et le pot est installé dans un salle close pour stimuler la floraison. En revanche, s’il fait trop chaud et trop humide, on couvre les pétales d’une couche de blanc d’oeuf ou de sève de papaye, pour retarder l’éclosion et “enfermer le parfum”. Chaque pot de narcisses est une véritable d’oeuvre d’art qui peut épouser des formes sophistiquées comme celles d’un phénix, d’un dragon ou d’une fée…
Un pot de narcisses réussi doit avoir des racines longues, blanches et parfaitement propres, indique Nguyen Viet Dung. Feuilles et fleurs s’entremêlent, mais les fleurs doivent être plus élevées. Nos précédesseurs comparaient un pot de narcisses à un plateau de jade ou d’or, d’où se dégagerait un parfum irrésistible. Je dirais même un parfum inégalé, surtout quand les premières fleurs ont commencé à éclore le jour du Tet.
Discret et charmant, pur et élégant, pour les amoureux du narcisse, le parfum de cette fleur est le parfum-roi du passage à la nouvelle année.
A l’occasion du Tet, les gens sont friands de narcisse, nous dit Mme Lan qui vend des narcisses dans la rue Hoang Hoa Tham, à Hanoï. On en trouve un pot dans presque toutes les maisons, ça sent très bon. Mais n’oubliez pas de changer d’eau tous les jours ! Mes affaires marchent à merveille.Le jour du réveillon, le pot de narcisses est installé avec soin sur l’autel des ancêtres. Puis, le jour de l’An, il trône au salon pour être admiré par toute la famille comme par les visiteurs venus présenter leurs voeux. Dans l’atmosphère des retrouvailles printanières, le parfum du narcisse se mêle à celui de l’encens, créant un je-ne-sais-quoi d’unique du Tet traditionnel, à Hanoï.
Le narcisse planté à la période du Tet porte chance, dit Nguyen Thi Hien habite rue Dang Tien Dong, à Hanoï. D’ailleurs, il n’est disponible sur le marché qu’à cette occasion. J’achète des bulbes que je plante moi-même dans l’espoir d’une belle floraison qui bénira ma famille.
Vous l’aurez compris, pour les Hanoiens, le narcisse du Tet est un plaisir élégant, une belle tradition qu’ils tiennent à préserver. C’est leur manière de revisiter le passé et de le revaloriser.
Bui Hang